Article paru dans  Capital.fr
22/03/16 à 16:30
Mis à jour le 22/03/16 à 18:22

Les installations d’éoliennes sont entachées depuis
plusieurs années par de sombres histoires de prises illégales d’intérêts incriminant des édiles. Pour la première fois, le vendeur d’un bien immobilier – en l’occurrence un haras normand – et son notaire viennent d’être condamnés pour avoir dissimulé à l’acheteur un projet éolien à proximité du haras. Un jugement inédit prononcé par le TGI d’Argentan dans l’Orne.

22 hectares de terrain, avec une écurie et une dépendance de 125 mètres carrés ! Lorsqu’à l’été 2012, Lucie Nivelle boucle l’acquisition de son haras, sur la commune de Goulet dans l’Orne, cette passionnée de canassons se dit qu’elle va enfin pouvoir réaliser son rêve : ouvrir un centre de soins pour chevaux dans un coin reculé de la campagne normande. Las, le beau rêve à 530.000 euros tourne vite au cauchemar, la propriétaire découvrant, peu de temps après la signature, que 10 éoliennes géantes s’apprêtent à jouxter sa propriété ! A tout juste 100 mètres de son terrain pour les plus proches…

Après quatre ans de procédures judiciaires acharnées, la justice vient de lui donner raison. Dans un jugement rendu le 26 février dernier, dont Capital.fr s’est procuré une copie, le Tribunal de grande instance d’Argentan (Orne), a fait annuler la vente du haras et a simultanément condamner pour tromperie le vendeur, la société d’aménagement foncier et rural de Basse Normandie (SAFER), chargée de la commercialisation du bien, ainsi que le notaire.

Dans cette décision, inédite en matière d’affaires éoliennes, les juges reprochent aux différentes parties d’avoir sciemment caché à la plaignante l’existence du projet éolien, alors même que celle-ci en avait fait une des conditions pour installer son centre de soins pour chevaux. L’ex-propriétaire est sommé de rembourser entièrement à Lucie Nivelle la somme de 530.000 euros, sans compter les intérêts par jour de retard. De son côté, la SAFER est condamnée à payer 26.500 euros à la victime, ce que à quoi s’ajoute une amende de 9.850,20 euros pour le notaire, hors intérêts là encore.

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Contactée par nos soins, la direction de la SAFER dit reconnaître son erreur d’appréciation dans cette affaire et le bien-fondé du jugement. Mais les rôles du vendeur et surtout du notaire s’avèrent beaucoup plus troublants. En tant qu’officier ministériel, ce dernier se doit, en théorie, de communiquer à l’acheteur toute information sur le bien convoité. « Or il est clairement établi qu’en l’espèce il avait eu connaissance de ces projets d’éoliennes par le biais d’un mail que lui avait adressé la mairie de Goulet peu de temps avant la signature », observe Ivan Jurasinovic, avocat de la victime. Une copie de la lettre, dont nous publions un extrait, l’atteste.

Quelles motivations ont donc poussé le notaire incriminé à retenir cette information de premier ordre ? La peur de voir la vente capoter ? Une proximité non établie entre ce dernier et le vendeur ? Contactée l’étude de maître Martin n’a pas souhaité répondre à nos sollicitations.

En attendant, cette affaire – dont la gravité se mesure aussi par la perte de valeur que risque d’occasionner le parc éolien sur le fameux haras – pourrait ne pas s’arrêter là. Le procès pourrait désormais se poursuivre au pénal. Avec cette fois, des peines encourues beaucoup (beaucoup) plus lourdes pour le vendeur et son notaire. A suivre…

Guillaume Chazouillères