Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 13 mai 2020, d’une plainte émanant d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publication diffusée sur le réseau social de l’association France Energie Eolienne (FFE), pour promouvoir l’énergie éolienne.

La publication en cause montre plusieurs paysages sur lesquels sont installées des éoliennes. Ces images sont accompagnées des textes « L’énergie éolienne : pour alimenter l’Europe aujourd’hui … et demain », « nous apportons de l’électricité propre, sûre et renouvelable à tous ceux qui en ont besoin en ces temps difficiles ».

2. Les arguments échangés

– Le plaignant considère que cette publicité contrevient à plusieurs points de la Recommandation « Développement Durable » : défaut de véracité des actions (point 1), défaut de proportionnalité du message (point 2), défaut de vocabulaire approprié (point 6), défaut de présentation visuelle adéquate (point 7).

Selon le plaignant, la FEE affirme que l’électricité est propre, alors qu’aucune électricité ne peut être « propre ». En effet, la fabrication d’éoliennes nécessite des matériaux composites pour la fabrication des pales, des métaux pour le mât et l’armature métallique du béton armé du socle. Or les industries cimentières sont un des premiers émetteurs de gaz à effet de serre (points 7.1 et 7.2 notamment et article 5 du Code ICC), ce qui résulte notamment des évaluations du GIEC.

D’autre part, le plaignant soutient que recyclage des éoliennes pose divers problèmes : les pales ne sont pas recyclables, ou extrêmement mal, conduisant à leur enfouissement en l’état ou à leur valorisation énergétique dans des centrales thermiques, en les faisant brûler.

Le plaignant considère que cette campagne méconnaît également le Code ICC s’agissant des principes énoncés au chapitre E, « Allégations environnementales dans la communication commerciale » dès lors que la présentation d’une énergie « propre » constitue une simplification considérable de la réalité : le texte n’est ni honnête ni véridique notamment en ce qu’il induit le consommateur en erreur en l’absence de précision sur la qualité environnementale du service (article E1) et la publicité méconnaît les règles sur la supériorité et les allégations comparatives (article E3).

Enfin, le plaignant conteste l’affirmation selon laquelle l’électricité est sûre et « les éoliennes continuent de tourner ». En effet, les éoliennes tournent selon la force et la vitesse du vent et ne sont pas pilotables. En cas d’anticyclone, les éoliennes peuvent se retrouver à l’arrêt, ne fournissant aucune production électrique, comme le montrent les courbes de production journalière sur le site Eco2mix de RTE, avec une très grande variabilité. D’ailleurs les producteurs éoliens n’avancent aucune production propre garantie, celle-ci étant entièrement conditionnée par les conditions météorologiques. Il y a un défaut de proportionnalité du message et de clarté du message.

En outre en affirmant que « nous apportons de l’électricité […] à tous ceux qui en ont besoin », la FEE oublie que près de 95% de l’électricité produite ou consommée en France ne provient pas de l’énergie éolienne, trompant ainsi le consommateur sur la place réelle de l’énergie éolienne, tout en s’attribuant le caractère « sûr » de l’approvisionnement électrique.

– L’association France Energie Eolienne a été informée, par courriel avec accusé de réception du 8 juin 2020, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle indique que l’objet de ce clip vidéo est de rappeler au public que durant cette période de crise sanitaire, l’énergie éolienne a continué à produire de l’électricité et que cette production participe à l’approvisionnement en électricité de tous.

Concernant l’emploi du terme « propre », la FEE s’appuie notamment sur les propos de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) qui utilise régulièrement l’expression « clean energy » pour qualifier les énergies renouvelables dont l’éolien, ce qui correspond à une terminologie appropriée. La rédaction du clip s’est notamment basée sur une publication du 14 mars 2020 où il est évoqué le rôle des énergies renouvelables au regard de la crise sanitaire.

Concernant les matériaux et le recyclage, l’association relève qu’en France, les pales d’éoliennes ne sont en aucun cas enfouies ou abandonnées. Cette idée relève d’une fausse information souvent relayée par des organisations anti-éoliennes qui s’appuient sur des images provenant des Etats-Unis.

L’association précise que les éoliennes sont constituées de métaux, plastiques, béton, acier, qui sont pris en charge par des filières de revalorisation. 80 à 90% des matériaux utilisés par rapport à la masse totale d’une éolienne seraient aujourd’hui déjà recyclables. Les pâles sont fabriquées à partir de matériaux composites. Aujourd’hui, en France comme en Allemagne, d’après une étude de l’ADEME, les pâles sont quasiment entièrement valorisées de façon thermique, même s’il n’y a pas de technique spécifique arrêtée.

Sur la question des terres rares, l’association souligne qu’elles ont des applications variées dans l’énergie : raffinage du pétrole, barre de contrôle des réacteurs nucléaires, batteries rechargeables, aimant permanent. Hors énergie, les terres rares se retrouvent dans nombres d’autres secteurs et appareils du quotidien : appareils électroménagers, technologiques ou industriels (smartphone, ordinateur, écran LCD…). Aujourd’hui, environ 90% du parc éolien français ne comporte strictement aucuns métaux rares, puisque seules les éoliennes dites à aimant permanent contiennent un métal rare, à savoir le néodyne.

Enfin, l’association rappelle que, dans son étude de septembre 2017 sur la filière éolienne française, l’ADEME constate que « l’éolien a un impact important sur la réduction des impacts environnementaux du système électrique … Le bilan global de l’éolien est positif ». Concernant les émissions CO2, les données de l’ADEME démontrent avec précision le fait que l’éolien à un taux d’émission, fabrication comprise, nettement inférieur à la moyenne du mix électrique français.

Concernant la sécurité d’approvisionnement et l’emploi du terme « sûr », l’association soutient que, selon les travaux de RTE (gestionnaire du réseau électrique), l’installation de production éolienne ne nécessite pas le doublage de ces installations par des moyens de production thermique et que la stabilité du réseau au regard de la montée en puissance de la production éolienne dans le mix électrique ne pose aucune question de sécurité d’approvisionnement. De même, l’ADEME dans sa documentation « Enjeux – L’éolien en 10 questions », indique : « Sécuriser la production d’électricité en contribuant, avec les autres énergies renouvelables, à la diversification du mix de production d’électricité : ne pas dépendre d’une seule énergie est un facteur de sécurité ».

L’association considère donc que la plainte, au regard de l’expertise du gestionnaire de réseau et de la réalité du système électrique français, est parfaitement infondée et révèle une profonde méconnaissance du fonctionnement du système électrique de notre pays ainsi que du fonctionnement de l’énergie éolienne par le grand public.

Concernant la part de production de l’éolien et sa variabilité, l’association indique que le clip vidéo n’a pas vocation à indiquer que l’éolien produit toute l’énergie pour la France. Le seul message de cette vidéo est la continuité de la production pendant la crise, qui est un élément rassurant pour le public. Chaque français sait qu’en France il existe différentes sources de production d’électricité et l’annonceur affirme n’avoir à aucun moment cherché à surévaluer la part de production de l’éolien. Il est abusif de considérer qu’il y a mensonge sur ce que représente l’éolien dans la production électrique de notre pays.

En conclusion, l’association rappelle les données sur le sujet : le taux de couverture moyen de la consommation par la production d’origine éolienne en 2019 a été de 7,2% contre 5,9% en 2018 ; l’énergie éolienne produite en 2019 a été de 34,1 TwH, soit 6,3% de la production électrique française ; la production d’électricité éolienne s’est élevée à 14,5 TWh au premier trimestre 2020, soit 10,8 % de la consommation électrique française.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle qu’aux termes des dispositions de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP :

« 1.1. La publicité ne doit pas induire en erreur le public sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable (…) »;

«2.1. Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments justificatifs dont il dispose. / La réalité de ces actions ou propriétés peut s’apprécier au regard des différents piliers du développement durable, des différents types d’impacts possibles et des différentes étapes de la vie du produit. »

« 2.2 Le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion. »

« 2.3 En particulier :

a/ L’argument publicitaire ne doit pas porter sur plus de piliers du développement durable, plus d’étapes du cycle de vie ou plus d’impacts qu’il ne peut être justifié.

b/ Le message publicitaire ne saurait suggérer indûment une absence totale d’impact négatif. »

 « 6.3 Dans le cas où il serait impossible de justifier des formulations globales (ex. : écologique, vert, éthique, responsable, préserver, équitable, durable, …), la publicité doit les relativiser en utilisant des formulations telles que “contribue à”. »

Le Jury relève que la vidéo publicitaire en cause montre plusieurs paysages sur lesquels sont installées des éoliennes. Ces images sont accompagnées des textes « L’énergie éolienne : pour alimenter l’Europe aujourd’hui … et demain », « nous apportons de l’électricité propre, sûre et renouvelable à tous ceux qui en ont besoin en ces temps difficiles ».

Le Jury constate, tout d’abord, que le message général ne s’adresse pas uniquement aux professionnels, ainsi que l’association FEE l’admet dans ses écritures en soulignant que l’objet de ce clip vidéo est de rappeler au public que durant la période de crise sanitaire l’énergie éolienne a continué à produire de l’électricité pour tous les consommateurs. Le Jury considère que cette vidéo de promotion de l’énergie éolienne constitue une publicité et qu’il est compétent pour se prononcer sur son contenu.

Le Jury estime, ensuite, que la formule « nous apportons de l’électricité propre, sûre et renouvelable » ne contient aucune nuance sur l’emploi du terme « propre », qui est présenté comme un résultat absolu et n’est pas relativisé, alors qu’il n’est pas contesté qu’à ce jour le recyclage des pales n’est pas possible autrement que par une « valorisation thermique » consistant à brûler les matériaux dans des cimenteries.

Enfin, le Jury, tout en comprenant que la stabilité du réseau au regard de la montée en puissance de la production éolienne dans le mix électrique ne pose pas de difficulté en termes de sécurité d’approvisionnement, considère que l’acception du mot « sûre », juxtaposé ici aux autres adjectifs sans justification, est ambiguë.

Le Jury en déduit qu’en employant une formule qui suggère une absence totale d’effets négatifs en termes de pollution (« propre ») et de sécurité en général (« sûre »), le film publicitaire, qui n’exprime pas avec justesse les conséquences de la production d’énergie éolienne, est de nature à induire en erreur le public sur la réalité écologique des actions de l’annonceur.

En conséquence de ce qui précède, le Jury est d’avis que la publicité en cause méconnaît les points précités de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.

Avis adopté le 3 juillet 2020 par Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, substituant la présidente empêchée, Mmes Drecq et Lenain, MM. Depincé, Lacan, Leers et Lucas-Boursier.

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