Elles fournissent déjà 20 % de l’électricité en Allemagne et leur déploiement est stratégique pour le pays s’il veut respecter ses engagements climatiques. Le gouvernement va cependant devoir gérer l’opposition grandissante des riverains. Reportage dans le Brandebourg.
Le parc éolien d’Angermünde occupe 160 hectares. 200 hectares de champs supplémentaires doivent bientôt s’y ajouter.
Patrick Pleul/dpa Picture-Alliance/AFPPar Ninon RenaudPublié à 07h30
À mi-chemin entre Berlin et la mer Baltique, Angermünde vante aux voyageurs sortant de la gare de la ville ses attraits sur des panneaux d’affichage aux photos avantageuses : centre historique coquet aux maisons à colombages restaurées, monastère franciscain, fortifications mais aussi réserve naturelle et parc national de la basse vallée de l’Oder leur promettent culture et calme. A condition de se tenir à distance des éoliennes qui ont poussé comme des champignons tout autour de la ville.
Ce portrait idyllique, les habitants d’Angermünde accusent en effet les autorités de l’avoir brouillé en y introduisant ces immenses hélices vrombissantes vissées sur des tiges de 50 mètres voire de 200 mètres pour les éoliennes de dernière génération. « Ma maison se situe à 1.300 mètres d’un des parcs et j’accumule les migraines. Si cela continue je devrai déménager », se plaint Rainer Ebeling.
Plus de 1.000 initiatives citoyennes
Le sexagénaire installé depuis 30 ans à Crussow, à 5 kilomètres d’Angermünde, est porte-parole du collectif citoyen local de lutte contre le déploiement des éoliennes, que le vrombissement et les ultrasons indisposent. Sur les quelque 550 habitants de sa commune, 400 en sont membres. Il faut dire que le parc éolien occupe déjà 160 hectares et 200 hectares de champs supplémentaires en bordure de réserves naturelles doivent être colonisés.
Personne n’entend nos arguments, qu’il s’agisse de santé ou de protection de la nature, les autorités ont des oeillères
Dans le Brandebourg, Angermünde n’est pas un exemple isolé, le land concentrant, juste derrière la Basse-Saxe, 12 % du parc de 30.000 éoliennes allemandes. Mais les autres länder ne sont pas en reste : l’Allemagne compte plus de 1.000 initiatives citoyennes de ce type. Rainer Ebeling ne se fait cependant pas d’illusion sur leur capacité d’influence. « Personne n’entend nos arguments, qu’il s’agisse de santé ou de protection de la nature, les autorités ont des oeillères », se plaint-il.
Et pour cause, pour tenir ses engagements en matière de réduction d’émissions de dioxyde de carbone, l’Allemagne n’a d’autre choix que de mettre les bouchées doubles sur les énergies renouvelables. Elle a en effet décidé de fermer sa dernière centrale nucléaire en 2021.
Le marché des éoliennes en chute libre
L’objectif est que les énergies vertes fournissent 65 % de la production d’électricité en 2030, contre près de 40 % actuellement. Dans ce mix, les éoliennes fournissent déjà 20 % de la production d’électricité. Or le secteur affiche actuellement les plus grandes difficultés : depuis 2016, dernière année avant le passage d’un système de tarif subventionné à celui d’enchères, la pression sur les prix a provoqué la faillite de nombreux petits acteurs, entraînant la disparition de 30.000 emplois.
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Faute d’acteurs suffisants, les prix sont rapidement repartis à la hausse. Les autorisations étant par ailleurs distribuées au compte-gouttes et les plaintes se multipliant avec le développement du parc, l’installation de nouvelles éoliennes a chuté de 80 % depuis le début de l’année. « Au sommet organisé le 5 septembre par le ministre de l’Economie, Peter Altmaier, à Berlin, le message a été qu’il fallait faciliter les autorisations de construction et accélérer le déploiement des éoliennes », conclut, amer, Rainer Ebeling.
Le fossé se creuse
Cette incompréhension n’est pas étrangère au résultat des élections régionales du 1er septembre : à Angermünde, il s’en est fallu de 3 voix pour que le parti d’extrême droite AfD, très critique vis-à-vis de la politique énergétique du gouvernement, n’arrive en tête devant les sociaux-démocrates.
Peu avant, le ministre président du Brandebourg, Dietmar Woidke, avait pourtant promis de verser 10.000 euros par éolienne aux communes concernées et de proposer au Conseil fédéral (Bundesrat) que les länder redonnent aux communes la main sur l’aménagement des parcs éoliens. « Les länder n’abandonneront pas leurs prérogatives », estime-t-on, sceptique, à la mairie d’Angermünde. Quant à l’argent, « cela ne compensera pas notre qualité de vie perdue », rétorque Rainer Ebeling. Le fossé sera difficile à combler.
Ninon Renaud (Correspondante à Berlin)
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